Clinique du suicide

Préface de Darian Leader, psychanalyste à Londres

« Pourquoi un être humain se donne-t-il la mort ? Dés sa parution, Clinique du suicide s’est imposé comme une contribution essentielle à l’étude de cette question énigmatique qui convoque ici psychanalystes, philosophes, critiques littéraires et anthropologues.
Si le cadre de ces essais est psychanalytique, leur portée est incontestablement plus large. Les  »épidémies » de suicide qui ont attiré l’attention du public ces dernières années – chez France Télécom en Europe, chez Toyota et d’autres entreprises en Asie – témoignent de ce changement radical de la vie moderne. Continuer la lecture de « Clinique du suicide »

Le mal-être a-t-il un genre ?

Cousteaux et Pan Ke shon ont étudié la question de la sexuation dans le suicide[1]. Leurs outils étant essentiellement épidémiologiques et statistiques, is prennent leur départ du livre princeps de Durckheim. Mais, la question vaut d’être posée. Leurs observations sont utiles car elles montrent la dimension sociologique de la question du genre pour le suicide. J’en retiens l’idée essentielle que la typologie sexuelle est fortement marquée dans ce domaine.

La question posée est celle de savoir pourquoi les hommes se suicident-ils plus que les femmes ? Continuer la lecture de « Le mal-être a-t-il un genre ? »

Façons tragiques de tuer une femme, par Nicole Loraux

Le livre de Nicole Loraux, Façons tragiques de tuer une femme[1] tranche très franchement d’avec ce que nous avons l’habitude de lire dans les revues psychiatriques. C’est un point de vue qui n’est ni naturaliste, ni hygiéniste.

Le livre se présente comme une tragédie précédée de la distribution des rôles, une présentation succincte de la biographie des personnages mythiques grecs. Puis, vient « Façon tragique », soit la tragédie du meurtre des femmes dans le théâtre de la Grèce antique. Celles-ci ne sont libres que pour autant que les normes viriles sont respectées. Loraux nous explique comment. Continuer la lecture de « Façons tragiques de tuer une femme, par Nicole Loraux »

Un aperçu des modalités "caractéristiques" du suicide des hommes et des femmes

Ludwig Binswanger était d’abord psychiatre à la clinique du Burghozli dirigée par Eugen Bleuler. Après sa rencontre avec Freud, il échange avec lui une correspondance assez volumineuse. Il crée ensuite la Daseinanalyse qui inspire la phénoménologie.
Dans l’une de ses lettres [1], Freud évoque d’abord le cas d’une patiente de Binswanger, Mlle Faure (le cas serait publié ( ?) dans Essai d’analyse d’une hystérie, 1909).
Mlle Faure a le fantasme d’une grossesse. Inconsciemment, elle considère que la grossesse est un empoisonnement. Sa peur de l’infection recouvre son envie d’avoir un enfant.  Continuer la lecture de « Un aperçu des modalités "caractéristiques" du suicide des hommes et des femmes »

Les modalités sexuées du suicide selon Freud

Voici une lettre de Sigmund Freud adressée à Binswanger, publiée dans la correspondance (Sigmund Freud – Ludwig Binswanger : correspondance, 1908-1938, trad. R. Menahem et M. Strauss, Calmann-Lévy, Paris, 1995).

Cette lettre est précieuse pour poursuivre la réflexion à propos du suicide. En particulier, le commentaire centré sur la différence des sexes qui pourrait faire croire qu’il existe un suicide d’homme et un suicide de femme. Continuer la lecture de « Les modalités sexuées du suicide selon Freud »

L’étonnant sang-froid en présence de prétendus accidents, le suicide inconscient, 4

Dans son chapitre 8 de la Psychopathologie de la vie quotidienne 1, Freud s’appuie sur des exemples cliniques pour étayer la thèse que les actes manqués relèvent d’intentions inconscientes sexuelles et multiples. Il en arrive alors à considérer les effets de ces actes manqué qui pour la plupart paraissent anodins pour leur auteur.
Peu-il arriver que ces actes manqué aient des effets graves ? Continuer la lecture de « L’étonnant sang-froid en présence de prétendus accidents, le suicide inconscient, 4 »

Le dédoublement de l’acte, Le suicide inconscient, S. Freud, 3

Dans son chapitre 8 de la Psychopathologie de la vie quotidienne 1, Freud étudie les actes maladroits. Il a commencé par distinguer les actes par méprise, des actes symptomatiques. En précisant les actes par méprise, il en est venu à souligner leur « déterminisme symbolique ». L’acte manqué représente un objet. Il traduit une intention inconsciente à l’égard de cet objet initial que le deuxième objet sur lequel porte l’acte vient représenter à son tour.
Freud en vient alors à évoquer l’observation de MJ Jekels publiée en 1913 dans le journal international de psychanalyse, p.195 à 197. Continuer la lecture de « Le dédoublement de l’acte, Le suicide inconscient, S. Freud, 3 »

Le "trouble fête" de l'amour déclenche le suicide

Mis à part le cas de la jeune homosexuelle, Freud a aussi analysé le cas du suicide de Nathanaël raconté par E. T. W. Hoffman dans le conte passionnant de L’homme au sable, dont j’ai fait un premier commentaire.
Cette analyse de Freud me parait très importante pour la compréhension du suicide par la psychanalyse.
Je souhaite y revenir en détail. Car Freud évoque la « compulsion de répétition » qui a quelque importance dans le suicide. Mon commentaire est une deuxième étape qui ne sera sans doute pas la dernière. Veuillez m’en excuser l’aridité et la sécheresse.
Dans le conte d’Hoffman, l’angoisse serait liée au doute sur la vie d’une poupée. Est-ce que la poupée Olimpia est vivante ? Sinon, un robot peut-il devenir humain ? L’angoisse serait-elle comme une peur du robot. Continuer la lecture de « Le "trouble fête" de l'amour déclenche le suicide »

Un suicide à retardement : le Nathanaël de Freud

Nathanaël rencontre l’homme au sable à trois reprises. A chaque fois, il en est effrayé. A la troisième, il se jette du haut d’une tour et se fracasse le crâne.

Pourquoi Nathanaël ne se suicide-t-il qu’à la troisième rencontre ? Et pas à la première ou à la deuxième ?

Le suicide de Nathanaël n’est pas souvent cité par les psychanalystes. Le commentaire de Freud est pourtant aussi célèbre que son « Deuil et mélancolie ». Qui n’a pas entendu parler d’inquiétante étrangeté ?

Continuer la lecture de « Un suicide à retardement : le Nathanaël de Freud »

Actes destructeurs visant inconsciemment la vie de tierces personnes, Le suicide inconscient, S. Freud, 9

A la fin de son chapitre 8 de la Psychopathologie de la vie quotidienne 1, publié en 1923, Freud affirme donc l’existence d’une tendance destructrice inconsciente capable de détourner le refoulement et de s’exprimer dans les actes manqués par méprise sous la forme de l’indifférence du sujet. Ce qu’il distingue des actes symptomatiques  qui sont des formations de compromis. Freud égrène les exemples cliniques afin d’accréditer la thèse de l’existence de suicides inconscients. Après avoir exposé l’observation de Ferenczi, il évoque un cas de « sacrifice » rapporté par M.J. Starcke.

Ce cas est destiné à illustrer la valeur destructrice de certains actes manqués. Il ne s’agit pas d’un cas de suicide. La question est de savoir si l’on peut parler de symptôme….

Une dame dont le gendre devait partir pour l’Allemagne – il était appelé par son service militaire – se brûla les pieds. Sa fille était sur le point d’accoucher et le pays d’entrer en guerre. La veille du départ de son gendre, elle invite le couple à dîner. Pour préparer le repas, elle mit les « grandes pantoufles larges et ouvertes de son mari », ce qui ne lui arrivait jamais. Elle fit tomber une grande marmite de soupe brûlante sur ses pieds et se brûla. Tout le monde vit dans cet accident un effet de sa maladresse et de sa nervosité.

La maladresse était le « paravent » derrière lequel se dissimulait la rage de cette dame contre « la propre intégrité et la propre vie » (du couple), page 213.

Là, la conception des actes manqués dont l’effet est suicidaire pour le sujet, est élargie à des intentions inconscientes visant à menacer « la vie et la santé de tierces personnes », page 214. Après avoir montré la possibilité qu’un acte manqué suicidaire puisse viser le sujet, il n’est en effet pas absurde de supposer que ces intentions inconscientes puissent viser un tiers.

La suite au prochain numéro

1 – S. Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne (trad. S. Jankélévitch), 1901, édition de 1923, petite bibliothèque Payot, 11, Paris, 1967

Les autres articles : « le suicide inconscient » pour Freud

Le suicide inconscient

Déterminisme symbolique des actes manqués par méprise

Le dédoublement de l’acte

L’étonnant sang-froid en présence de prétendus accidents

Un cas freudien d’acte destructeur manqué

Le suicide mi-intentionnel est-il un suicide inconscient pour Freud ?

Une formation de compromis

La multiplication des causes

Actes destructeurs visant inconsciemment la vie de tierces personnes

Actes destructeurs symptômes