Le Pr Michel Debout prend position en faveur d’un « observatoire des conduites violentes » pour développer une « médecine de la perte d’emploi ».
Serge Carnasse a interviewé le Pr Michel Debout, président de l’Union Nationale pour la Prévention du Suicide, au mois d’avril 2012. Voici un résumé succinct de ses propos.
Le Pr Debout préconise un « observatoire des conduites violentes », ciblé sur certaines populations, dont les personnes qui viennent d’être licenciées. La probabilité de se suicider est forte durant deux ans après un licenciement. Les personnes licenciées courent aussi le risque du remaniement des relations familiales, amicales et de la santé. Il faudrait leur proposer une « médecine de la perte d’emploi ».
Le suicide au travail est le reflet des relations qui existent au sein de l’entreprise mais, n’indique-t-elle pas plus que cela ?
La dimension collective du suicide au travail compte aussi. L’employeur a un « devoir de protection » (de l’employé) en contre partie des efforts fournis (par l’employé pour l’employeur).
Il y a :
1- les situations de harcèlement
2- les situations perverties qui détruisent la santé des personnes
3 – les méthodes de management « qui épuisent les gens, qui les isolent et les confrontent les uns aux autres »
C’est un contre-sens absolu d’opposer « l’esprit, l’esprit de coopération » d’équipe nécessaire pour remporter la coupe du monde de football et « l’esprit de compétition » mis en avant dans les entreprises.
« Les contraintes (imposées par l’employeur) ne doivent pas dégrader la santé ».
Les garçons craquent moins souvent que les femmes « mais, alors le décès est majeur »….
Le médecin généraliste doit indiquer « obstacle médico-légal à l’inhumation » pour que l’autorité judiciaire puisse qualifier la mort violente en suicide, accident ou crime, avec l’aide de la famille. Le juge est éclairé par le médecin légiste qui éclaire aussi la famille et devient alors « le conteur » et « le témoin de cette mort sans témoin ».
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Début de l’interview : « En termes de santé publique, quelle est l’importance du suicide en France ?
En 2007, qui est la dernière année pour laquelle nous avons des données, il y a eu plus de 10 000 décès par suicide. Il est la première cause de mortalité chez les 35-44 ans et la seconde chez les 15-24 ans. Il faut y ajouter environ 195 000 hospitalisations pour tentatives. Ces chiffres sont vraisemblablement sous-évalués, certains suicides pouvant être « cachés », par exemple, derrière un accident de circulation. Je souhaite depuis longtemps la création d’un Observatoire des conduites suicidaires, voire des conduites violentes. Il existe bien un Observatoire de la délinquance, mais son objet est pénal, alors que nous avons besoin de regarder cette réalité aussi du point de vue de la santé publique : 8 % des décès sont dus à la violence, ce qui est important (ce chiffre est encore plus considérable si on y ajoute les blessés par accidents de la route ou du travail et par agressions) ».