Pringuet : le sottisier médical et la bosse du suicide

Pringuet privilégie et revendique la complexité pour la compréhension du suicide. Pour lui, le suicide est « un symptôme dont le sens doit être compris avant d’y remédier ».

Sage précaution !

Notre époque médicale est dans une phase où règnent les neurosciences et le cognitivisme. En matière de suicide, nos vaillants chercheurs en neurosciences ne désespèrent pas de trouver LA zone cérébrale du suicide ou LE gène qui commanderait au suicide. Non exempt d’enjeux commerciaux, l’IRM est une machine qui coûte très cher, les tests de biologie ont aussi un coût non négligeable, cette tendance forte de la médecine est aveuglée par le profit qu’elle pourrait retirer d’une telle découverte.

Et c’est pour cela que l’approche de Pringuet est salubre. Ne pas oublier les leçons de l’histoire de la médecine et de la pensée, nous introduit à la prudence. Et Pringuet de dénoncer le « sottisier médical » en matière de suicidologie.

En effet, les recherches neuro-scientifiques et cognitives ne sont que les resucées, maquillées par le vocabulaire scientifique de notre époque, des recherches passées de Gall sur le cerveau et de sa « bosse du suicide ».

Et puis Pringuet reconnaît l’avancée freudienne qui place l’acte au centre de la parole.

En voici un exemple dans le texte :

« Le sottisier médical du XIXème siècle, dont l’imperturbable déterminisme n’a pas fini de nous égayer, offre ici des accents dignes de Bouvard et Pécuchet : « le phrénologue Gall soulignait la densité et l’épaisseur des os du crâne, sans isoler davantage la bosse du suicide. Esquirol y contredit, affirma même la rareté des lésions cérébrales, mais crut bon d’insister sur la fréquence des lésions du tube digestif », Deshaies, (Psychologie du suicide, Paris, 1947).

Pour déjouer la condamnation sécuritaire forgée par le christianisme, sans doute fallait-il que la volonté de mourir allât jusqu’à se laisser palper, dans les mains de l’objectivation clinique, sous la forme saugrenue d’une hypothétique « bosse du suicide ». La raison observante, qui de toute réalité fait un objet et de tout objet une chose, en vient à soutenir, selon la formule de Hegel, que « l’esprit est un os ». Le scientisme, forme inversée de la conscience malheureuse, fige les mouvements de la volonté dans « la chimie des hormones ». Cette séparation de la pensée illusoire et du corps réel fait du sujet vivant, qui croyait vouloir, un organisme sans intimité.

Il faudra attendre Freud pour que l’esprit renoue son alliance avec le verbe, et pour que le sujet se retrouve sinon dans ce qu’il pense, du moins à l’envers de ce qu’il dit » 1.

Les autres commentaires de Pringuet :

  1. Maurice Pringuet, La mort volontaire au Japon
  2. Le sottisier médical et la bosse du suicide
  3. Sébire et Pringuet : le suicide de remontrance : Kanshi
  4. Le symptôme suicide japonais
  5. Lecture japonaise du suicide contre aperçu occidental
  6. Mourir d’amour au Japon
  7. Le suicide, pur signe

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1- Pringuet M., La mort volontaire au Japon, Tel Gallimard, 185, Paris, 1984, p. 32

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