Un peu d’humour pour se détendre, version Abraham.
La question de la mort est assez inepte pour le suicide. L’argument classique: personne ne sait ce qu’elle est. Pour preuve, le récit de Karl Abraham sur le lapsus d’un octogénaire.
Je ne résiste pas au plaisir de citer ce petit récit en entier.
« Dans un article de journal (Berliner Tageblatt) l’acteur Ludwig Barnay, âgé depuis peu de quatre-vingts ans, commente avec esprit les hommes qu’il a reçus dans le passé et récemment. Il constate avec humour qu’aux morts. Dans une ville, on lui a érigé une statue, dans une autre sa maison est ornée d’une plaque commémorative, enfin, la rue d’une troisième porte son nom. Il se demande alors quels honneurs pourraient bien lui échoir après sa mort et répond ainsi : » En tout cas, les funérailles, la festivité mortuaire habituelle et un article nécrologique dans les quotidiens ; mais il faudra renoncer à ce triple attelage pour mon cercueil car j’ai ordonné par testament que mon décès ne se produira pas avant que la crémation n’ait eu lieu. »
L’erreur contenue dans cette phrase montre clairement le désir de l’auteur de ne pas mourir du tout, et nous permet d’entrevoir la conviction inconsciente profonde propre à tout un chacun d’être immortel.
Le mot erfolgen (ne se produise, n’ait eu lieu), n’a aucune consonance proche de celui qu’il remplace, en réalité, ce devait être bekanntgegeben werden möge (soit rendu public). Ce lapsus a été favorisé par le mot erfolgter dans la même ligne.
Du point de vue psychanalytique, il est à remarquer que ni le rédacteur, ni le correcteur n’ont relevé l’erreur.
J’ajoute que les lecteurs du journal ont parcouru ce passage sans être arrêtés, ce qui signe leur sympathie pour la conception de l’auteur » (Karl Abraham).
Où l’on voit que Barnay ne croit tellement pas à sa propre mort que cette conviction emporte aussi celle du correcteur !
Un petit jeu: dans les écrits d’Abraham, où ce texte figure-t-il ?