Une formation de compromis, Le suicide inconscient, S. Freud, 7

Dans son chapitre 8 de la Psychopathologie de la vie quotidienne 1, publié en 1923, Freud affirme donc l’existence d’une tendance destructrice inconsciente capable de détourner le refoulement et de s’exprimer dans les actes manqués par méprise. Mais, cela peut-il aussi concerner les actes symptomatiques ?

Freud distingue en effet, les actes manqué par méprise et ceux qui peuvent prendre une valeur symptomatique. Avant d’aborder ce point, Freud doit examiner une question préalable. Car, pour parler symptôme, il est nécessaire de démontrer l’existence d’un compromis entre deux forces opposées. Nous reconnaissons les actes manqués par méprise d’après leur clinique, ils sont emprunt de l’indifférence du sujet. Par contre, les actes symptomatiques sont abordé d’après leur structure psychopathologique.

Freud revient alors longuement sur la façon dont cette tendance parvient à détourner le refoulement.

Freud a du mal à qualifier les actes de suicide inconscient. Il les considère comme « mi intentionnels », et non pas « inconscients », tout en précisant qu’il s’agit d’une expression paradoxale. « Il existe, à côté du suicide conscient et intentionnel, le suicide mi-intentionnel, provoqué par une intention inconsciente », page 207.

C’est assez logique. Il ne peut y avoir de suicide « inconscient » dans la mesure où l’acte mélange une tendance consciente et des intentions inconscientes. C’est un mélange, cet acte est « mi ceci, mi cela ». Un peu de chaque…..

Le point essentiel est que cette intention inconsciente « sait habilement utiliser une menace contre la vie et se présenter sous le masque d’un malheur accidentel ». La signification suicidaire de tels actes inconscients est donc masquée par le refoulement mais son effet est bel et bien destructeur. Freud suppose d’ailleurs que ce cas est certainement beaucoup plus fréquent « à l’état latent » que ceux chez qui cette tendance se réalise.

Dès lors, «les mutilations volontaires représentent un compromis entre cette tendance (suicidaire inconsciente) et les forces qui s’y opposent» et quand cela se termine par un suicide, Freud estime que le « penchant à cette acte » existait depuis longtemps de façon atténuée ou réprimée, page 207.

D’ailleurs, ceux qui ont l’intention consciente de se suicider choisissent aussi « leur moment, leurs moyens et leur occasion ». « L’intention inconsciente attend un prétexte qui se substituera à une partie des causes réelles et véritables et qui, détournant les forces de conservation de la personne, la débarrassera de la pression qu’exerce sur elle ces causes 2 ». D’où le schéma du symptôme et qui rend compte des forces en présences :

Intention (inconsciente)  prétexte / causes réelles (extérieures)  répression

Freud était parti des actes maladroits, dans la première partie de son livre sur les actes manqués. Insensiblement, il en arrive maintenant à la valeur symptomatique du suicide quand il réalise une intention inconsciente. Dans ce cas, le suicide, vu comme un « compromis », peut être qualifié de symptôme.

A l’époque où Freud écrit cet article, il élabore la pulsion de mort. Avant cela, il pensait encore que les « forces de conservation de la personne » étaient les plus fortes… Freud reconnaît que ses arguments sont « oiseux ». Il ne fait que chercher le mécanisme de l’inhibition motrice dont la levée permet indirectement la réalisation de l’intention de suicide, page 209.

Enfin, après avoir quitté l’exemple de la chute de cheval « accidentel » d’un officier, il aborde un exemple clinique plus probant issu de la pratique de Ferenczi. Freud le considère comme un véritable cas de « suicide inconscient ».

La suite au prochain numéro

1 – S. Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne (trad. S. Jankélévitch), 1923, petite bibliothèque Payot, 11, Paris, 1967

2 – En note de bas de page : « en dernier analyse », le cas du suicide inconscient ressemble à celui du viol contre une femme. «Ne dit-on pas que les forces de la femme se trouvent paralysées ? » Et, Freud de citer le jugement de Sancho Pansa dans Don Quichotte : « si tu avais mis à défendre ton honneur la moitié de l’acharnement que tu mets à défendre ta bourse, tu serais encore une honnête femme….».

Articles précédents : « le suicide inconscient » pour Freud

Le suicide inconscient

Déterminisme symbolique des actes manqués par méprise

Le dédoublement de l’acte

L’étonnant sang-froid en présence de prétendus accidents

Un cas freudien d’acte destructeur manqué

Le suicide mi-intentionnel est-il un suicide inconscient pour Freud ?

Une formation de compromis

La multiplication des causes

Actes destructeurs visant inconsciemment la vie de tierces personnes

Actes destructeurs symptômes