Un cas freudien d’acte destructeur manqué, Le suicide inconscient, S. Freud, 5

Dans son chapitre 8 de la Psychopathologie de la vie quotidienne 1, Freud aborde enfin « le seul » cas d’acte manqué destructeur provenant de son expérience personnelle, page 205.

Une jeune femme tombe de voiture et se casse la jambe. Elle étonne tout le monde par son « calme » et son « indifférence » à la douleur, alors qu’elle se voit contrainte à un alitement de plusieurs semaines. Cet accident a préludé à la névrose et une psychanalyse réussie.

Son calme et son indifférence ne laissaient-ils pas suspecter des intentions inconscientes à l’accident ?

Avant l’accident, la jeune femme se trouvait avec son mari jaloux chez l’une des ses sœurs avec ses autres sœurs et leurs maris. Un soir, elle offre de danser le cancan en « véritable virtuose ». Mécontent, son mari lui chuchote qu’elle se conduit comme « une fille ». Après une nuit agitée, la jeune femme prend les chevaux et s’oppose à ce que sa sœur prenne son bébé dans la voiture. Très angoissée, elle saute de la voiture au moment où ses chevaux refusent de se laisser maîtriser. Elle se casse une jambe. Cet accident parait « arrangé d’avance » et se produit « à propos », « comme s’il s’était agit d’une punition pour une faute commise » : pendant de longues semaines, elle ne pourra pas danser le cancan…

Il s’agit d’une « auto-mutilation » qui ne visait pas la destruction complète du sujet, son suicide, certes. Mais, son acte trouve le moyen de détourner le refoulement pour produire la punition. Malheureusement, Freud n’en dit pas beaucoup plus…

La réelle intention inconsciente n’est pas si claire dans cet exemple. Mais, il illustre bel et bien la séparation entre la tendance consciente à exécuter un acte destructeur et une intention inconsciente distincte qui permettrait d’expliquer le calme et le sang-froid qui succèdent à l’accident.

Cet exemple ajoute un petit plus. La cause déclenchante parait se rapporter à un enjeu sexuel en réponse à la récrimination de l’autre.

Il est désormais clair que la calme et l’indifférence aux conséquences de l’acte manqué est le critère essentiel pouvant mener à découvrir une intention inconsciente destructrice. Avec ce cas, Freud attire notre attention sur la possibilité d’une maladresse dont les effets sont destructeurs. Si l’acte parait plus bizarre, absurde, que maladroit, il n’est pas pour autant un acte symptomatique au sens freudien. Freud ne discutera la valeur symptomatique de certaines maladresses qu’à la fin de l’article.

La suite au prochain numéro

1 – S. Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne (trad. S. Jankélévitch), 1901, édition de 1923, petite bibliothèque Payot, 11, Paris, 1967

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