Ce qui manque au champ de l'Autre……

Etudier un roman 1 est une excellente façon d’étudier le suicide quand on voit comment Lacan a su tirer avantage de Hamlet dans « Le désir et son interprétation 2 ». Déjà, dans ce séminaire, Lacan élabore le suicide comme un « suprême effort de don » du phallus à l’idole, le grand Autre qui a ce dont le sujet manque. Pour Hamlet en l’occurrence, c’est un suprême effort de don à sa mère.

Nikita Khrouchtchev, « le congrès secret » du 25 02 1956

Car, la scène finale dans laquelle Hamlet meurt à l’issue d’un duel contre Claudius, est une sorte de gigantesque passage à l’acte suicidaire. Après avoir très longtemps hésité. Et, comme le souligne Lacan, alors que Hamlet a déjà eu l’occasion rêvée de tuer Claudius, il est longtemps resté inhibé quand à l’acte.

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Le « mot » de la fin !

Au fil de nos commentaires, nous avons pu préciser plusieurs choses à propos de l’Ophélie de la tragédie de Shakespeare. Les diverses qualités qui nous la présentent. Les fonctions qu’elle peut assumer dans ses relations avec les autres personnages de la pièce. Les effets que cela a dans le déroulement de cette pièce et en particulier pour Hamlet. Je considère que les qualités de la présentation, les fonctions assumées dans les relations et les effets de ces fonctions, sont trois modalités du sujet Ophélie dans cette pièces, trois modes de son être.

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Les doigts de l'homme mort, Ophélie se suicide (11)

L’Ophélie de Shakespeare va se noyer sous les « feuilles blanches » d’un saule « dans le miroir de l’eau ». Non sans avoir distribué des fleurs auparavant, en guise d’adieu à son entourage. Ophélie, par le seul geste de choisir et de distribuer ces fleurs, les assemble en « ingénieuses guirlandes (1) » (« fantastic garlandes »). Il s’agit d’une tresse de mots. Puisque ces fleurs sont des signifiants énigmatiques. 0206

Au sujet des « tresses », il y a un rapprochement distrayant à faire avec Freud. Une théorie en ethnologie veut que les femmes aient inventé le textile pour cacher leur sexe. Freud suppose que les femmes ont d’abord tressé leurs poils pubiens, avant de les détacher pour en faire des pagnes (2). De là, par extension, les tresses désignent la castration par extension. L’objet détaché est le résultat de cette opération symbolique. Comme les phallus et les serpents dont la Gorgone ou les sirènes se parent. De fait, Ophélie figure un tel personnage. Elle est celle qui nous met la castration sous le nez !  Continuer la lecture de « Les doigts de l'homme mort, Ophélie se suicide (11) »

Le saule, Ophélie se suicide (12)

Le suicide d’Ophélie dans Hamlet, la pièce de Shakespeare, nécessite de nombreux commentaires avant de pouvoir en saisir l’enjeu. Avant de conclure, je compte évoquer deux points supplémentaires : le statut du saule sous lequel Ophélie se rend pour se suicider et la question de l’être pour Hamlet. Ensuite, il me sera possible de ramasser les éléments parcourus pour tenter une construction de ce suicide.feuillage Éventuellement, en montrer « la structure ». Ce que Lacan pense envisageable : « Si nous essayons de porter ceci à propos de chaque cas, si nous faisons dans chaque cas un effort d’interrogation, nous retrouverons là ce que je prétends avancer comme une structure 1 ». Continuer la lecture de « Le saule, Ophélie se suicide (12) »

Porter son souci, le suicide d'Ophélie (10)

Shakespeare décrit en détail le suicide d’Ophélie dans Hamlet. Et plus j’avance dans ce commentaire, plus je réalise à quel point sa description est précise et complète. Elle apparaît comme un enchaînement d’événements, articulés les uns aux autres. Une articulation logique qui peut nous laisser espérer discerner la structure d’un tel acte.   lajeunefillealafleur
Déchue de l’amour d’Hamlet, elle est contrainte de lui rendre ses lettres. Son père Polonius décédé, elle devient folle. Dans un tourbillon de déclamations, ses déclarations sont autant de lettres d’adieu à ceux qu’elle a connue, Ophélie se rend sous un saule puis, se noie. Continuer la lecture de « Porter son souci, le suicide d'Ophélie (10) »

Ophélie et le nom du père, le suicide d'Ophélie (9)

Il s’agit encore de passer beaucoup de temps à baliser les étapes qui introduisent le suicide d’Ophélie dans Hamlet, la pièce de Shakespeare. Et pour cela, progressons pas à pas. Avant d’aborder le suicide d’Ophélie en lui-même par la forme et le contenu de la folie qui le précède, je pense qu’il n’est pas inutile d’évoquer rapidement son frère Laërte.Eugène_Delacroix,_Hamlet_and_His_Mother
Comme tel, il partage ses intérêts patrimoniaux selon les règles de l’époque en ce domaine. Nous allons voir que l’enjeu ne se laisse pas enfermer dans la seule cage de son « fidèle amour ». Laërte et Ophélie ont tous les deux perdu leur père à plus d’un titre. Ce que Lacan a souligné. Ils sont les vis-à-vis d’Hamlet qui, pour d’autres causes, se trouve dans un contexte de perte analogue.
Laërte et Ophélie se disent les enfants de Polonius. Mais, cette désignation est-elle vraie ? Continuer la lecture de « Ophélie et le nom du père, le suicide d'Ophélie (9) »

Le cri de la chouette, le suicide d’Ophélie (8)

Revenons sur Ophélie et la folie qui la prend avant son suicide. La dernière fois, nous avons vu qu’Ophélie affirme savoir la vérité. C’est sa folie.ophechante
Ophélie cesse de chanter un moment pour revenir dans la conversation avec la Reine. Sérieusement. Elle s’exclame qu’elle « ne peut s’empêcher de penser qu’ils voulaient (la cour ?) le coucher dans la terre froide. Mon frère le saura 1 ».
Elle est allusive. « On dit que la chouette (the owl) était la fille d’un boulanger ».
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Le suicide de l'amour fidèle, le suicide d'Ophélie (7)

En préambule, nous avons passé beaucoup de temps à baliser les étapes qui introduisent le suicide d’Ophélie dans Hamlet, la pièce de Shakespeare. La dernière fois, nous avons vu que plusieurs séries d’expressions labourent une terre de cadavres et de vers.
Dans le ciel, rôdent de « précieux secrets » prêts à s’envoler, difficiles à apercevoir. La vérité scintille d’une faible lueur contrainte à emprunter les dédales de la folie. Continuer la lecture de « Le suicide de l'amour fidèle, le suicide d'Ophélie (7) »

Ouvrir la cage et se casser le cou, le suicide d'Ophélie (6)

Revenons au suicide d’Ophélie dans Hamlet, la pièce de Shakespeare. Je continue à suivre le texte de près, ne serait-ce que parce que Lacan l’a fait dans son séminaire Le désir et son interprétation en 1958 (Lacan J., Le séminaire, livre VI, La Martinière, juin 2013), ainsi que dans le séminaire L’angoisse en 1962. Ophélie semblait jouer le rôle d’objet du désir d’Hamlet, aussi bien que celui d’objet d’échange.
La mère d’Hamlet, Gertrude, s’est installée avec le nouveau Roi aussitôt la mort de son mari. Hamlet ne le supporte pas. Pour lui, la reine a commis un acte dégoûtant « qui efface la pudeur, qui falsifie les vœux, les serments », qui enlève « l’âme qui transforme la foi en rhapsodie de mots 1». Elle est celle qui détruit la parole pour la rabaisser au bla-bla. Il lui faudrait revêtir l’habit et la livrée de la vertu faute d’être vertueuse. Hamlet l’abjure de rejeter « la part mauvaise de son cœur, la corruption putride, pour son âme combattante (« fighting soul ) 2». En somme, Hamlet veut la maîtriser et l’éduquer. Il la dénonce, il ne supporte pas sa duplicité, il n’admet pas ses actes. Continuer la lecture de « Ouvrir la cage et se casser le cou, le suicide d'Ophélie (6) »

Vers et asticots, le suicide d'Ophélie (5)

L’Ophélie d’Hamlet s’est suicidée. Puisque la dernière fois nous avions évoqué les asticots qui mangent les cadavres, je vais continuer avec les vers (worms).
La question du cadavre de Polonius est celle de savoir où est-il passé quand Hamlet l’a tué. Elle est posée à plusieurs reprises dans l’acte II de la pièce, au point que l’on finit par se demander si elle ne jouerait pas un rôle particulier. Est-ce seulement un élément de transition théâtral dont la seule fonction serait de passer d’une scène à l’autre ? Il ne semble pas. Et si ce cadavre jouait un rôle majeur ?
Pour Antigone, nous connaissons la question de la sépulture de son frère pour laquelle elle est prête à mourir. Alors pour Ophélie et Polonius, qu’en est-il ?
La mort de Polonius est une méprise. Hamlet croyait tuer le roi Claudius, il ne tue que son conseiller Polonius. Dans le style de la vengeance la plus sauvage, du « œil pour œil, dent pour dent ». Si tu as tué mon père, je te tue. J’en ai eu l’idée, la pièce que tu viens de voir l’a mise en scène, alors je le fais ! Continuer la lecture de « Vers et asticots, le suicide d'Ophélie (5) »