Après son départ en mer d’Enée, Didon brûle ses vêtements et se poignarde :
« Vêtements (d’Ilion, Athène) chers à mon cœur, tant que les destins et les dieux le permirent, recevez mon âme et délivrez-moi de mes tourments, j’ai fini de vivre et la course que le destin m’a accordée, je l’ai accomplie….»
« J’ai bâti une ville magnifique, j’ai vu mes remparts, j’ai vengé mon mari et puni mon frère meurtrier »…
« Que de la haute mer, les flammes de mon bûcher épuisent les regards du cruel Dardanien et qu’il emporte avec lui le mauvais présage de ma mort[1] ».
Didon regarde les vêtements de sa cité à qui elle donne son âme, et regarde le lit. Le regard porte sur les deux choses : la cité et le rapport sexuel. Elle se jette dans le lit commun et le feu. Elle se tue avec l’épée offerte par son amant.
Pourquoi faut-il deux façons de se tuer, l’épée et le feu ?
Peut-être parce qu’il y a deux redoublements : deux regards et deux adresses du signe de sa mort.
Pourquoi l’ombre de Didon monte « sous » la terre et non pas « dans » le ciel ?
Peut-être parce que la circulation du regard s’est inversée. Ce n’est pas Didon qui voit le départ de son amant, mais l’Autre qui la regarde mourir.
Les deux, vêtements et lit, brûlent sur le buché, la fumée monte comme un signal adressé aux bateaux partis en mer (Enée), mais aussi à la cité.
Regardez ce que j’ai accompli = un pur signe, non signifiant, une ombre sous la terre :
1- Regardez ce que j’ai donné à ma cité, (la construction de la ville, la vengeance de mon mari)
2- Regarde comment je me suis enflammée pour toi
Le signe a deux adresses : la cité et l’amant. Lit et vêtements métnonymisent la cité et le rapport sexuel.
Le regard s’inverse. Ce sont la cité et l’amant qui peuvent regarder son ombre.
[1] – Virgile, Eneïde, chant IV, v 642