Cadavres, dépouilles et charognes, le suicide d'Ophélie (4)

Ophélie s’est suicidée, celle du Hamlet de Shakespeare. Dans la note précédente, nous avons vu que le texte de Shakespeare comporte toute une série d’expressions autour de l’idée que le père d’Ophélie est un maquereau. Il traite sa fille comme un poisson à vendre au premier séducteur venu.

Mais, la circulation des lettres d’Hamlet adressées à Ophélie, oblige à penser qu’il s’agit d’une bouffonnerie. Hamlet apparaît dans le réel aux yeux d’Ophélie, sorti de l’enfer, la lumière de ses yeux « s’incline 1» sur elle. Et c’est une chose qui paraît bien plus sérieuse que ces histoires de maquereau. Ce faisant, elle lui rend ses lettres. Continuer la lecture de « Cadavres, dépouilles et charognes, le suicide d'Ophélie (4) »

Les pieuses maquerelles, le suicide d'Ophélie (3)

Dans le Hamlet de Shakespeare, Ophélie est un personnage composite, mi-vierge, mi-sirène. Sa voix blanche séduit Hamlet. Elle représente l’idéal virginal masculin dont l’envers est celui du déchet boueux, comme nous l’avons vu dans le post précédent. Continuons à préciser ce que constitue ce personnage.

Dans cette pièce, certains mots ou certaines significations reviennent plus souvent que d’autres dans la bouche de plusieurs des personnages comme dans toute production écrite ou parlée d’ailleurs. Celles autour du thème de la prostitution sont remarquables. Elles s’appuient sur l’image du maquereau et de son vendeur.

En effet, Hamlet reproche à Polonius, le père d’Ophélie, de se comporter comme un « maquereau », un « fishmonger 1 ». « Monger » : un marchand, un vendeur du poisson que les séducteurs veulent attraper. Il devient maquereau par métonymie. Il serait celui qui lui « vend » Ophélie. Continuer la lecture de « Les pieuses maquerelles, le suicide d'Ophélie (3) »

Une mort fangieuse, le suicide d’Ophélie (2)

Ophélie s’est suicidée, celle du Hamlet de Shakespeare. Lacan a commenté ce geste dans son séminaire Le désir et son interprétation en 1958 (Lacan J., Le séminaire, livre VI, La Martinière, juin 2013), ainsi que dans le séminaire L’angoisse en 1962. Dans le précédent post, nous avons indiqué ce que Ophélie représente. Elle est une sirène blanche chantante et dangereuse.

Nous pouvons maintenant interroger la nature de sa mort. Le suicide d’Ophélie était une « muddy death » : boueuse, fangieuse, vaseuse, trouble, brouillée, obscure, souillée, tachée, sombre, ténébreuse, etc…

Il ne faut pas prendre cette expression sur un plan moral. Une conception certainement répandue en ce qui concerne le suicide qui fait l’objet de bien des condamnations, encore de nos jours. Nombreux sont ceux qui considèrent qu’un suicide dans leur famille est une tache dont il sera difficile de se laver. Continuer la lecture de « Une mort fangieuse, le suicide d’Ophélie (2) »

Une sirène blanche, chantante et dangereuse, le suicide d'Ophélie (1)

Ophélie, celle qui aime Hamlet. Vous connaissez ?

Je crois qu’il vaut la peine de revenir autant de fois que nécessaire sur le suicide d’Ophélie, tel que raconté dans le Hamlet de Shakespeare. D’abord parce que cette pièce est du rang de ces œuvres qui nous en apprennent beaucoup sur nos humbles existences. Mais, aussi parce que Lacan en a fait un long commentaire dans son séminaire Le désir et son interprétation en 1958 1, qui vient de paraître aux éditions de La Martinière 2, ainsi que dans le séminaire L’angoisse en 1962 3. Continuer la lecture de « Une sirène blanche, chantante et dangereuse, le suicide d'Ophélie (1) »

L'angoisse

Lacan J., le séminaire livre VI, Paris, Seuil, 2004
(Extraits de la version ALI)
Leçon du 28 novembre 1962

« C’est dans la mesure où une identification tout à fait différente que j’ai appelé identification avec Ophélie, c’est dans la mesure où l’âme furieuse d’Ophélie… c’est au moment de la révélation de ce qu’a été pour lui cet objet négligé, méconnu, que nous voyons là jouer dans Shakespeare à nu cette identification à l’objet du deuil … Cette identification à l’objet du deuil… l’entrée en Hamlet de la fureur de l’âme féminine, c’est ce qui lui donne la force de devenir à partir de là, ce somnambule qui accepte tout, jusque et y compris dans le combat d’être celui qui tient l’enjeu, qui tient sa partie pour son ennemi, le roi lui-même, contre son image spéculaire qui est Laërte. » Continuer la lecture de « L'angoisse »

Le désir et son interprétation

Lacan J., le séminaire livre VI
(Extraits de la version ALI)
Leçon du 11 mars 1959

« Et, le prenant littéralement à genoux et à sa merci, sans être vu par le roi, Hamlet a la vengeance à sa portée. C’est là qu’il s’arrête avec cette réflexion: est-­ce qu’en le tuant maintenant il ne va pas l’envoyer au ciel, alors que son père a beaucoup insisté sur le fait qu’il souffrait tous les tourments d’on ne sait pas très bien quel enfer ou quel purgatoire ? Est-ce qu’il ne va pas l’envoyer droit au bonheur éternel ? C’est justement ce qu’il ne faut pas que je fasse… Continuer la lecture de « Le désir et son interprétation »