L’Ophélie de Shakespeare va se noyer sous les « feuilles blanches » d’un saule « dans le miroir de l’eau ». Non sans avoir distribué des fleurs auparavant, en guise d’adieu à son entourage. Ophélie, par le seul geste de choisir et de distribuer ces fleurs, les assemble en « ingénieuses guirlandes (1) » (« fantastic garlandes »). Il s’agit d’une tresse de mots. Puisque ces fleurs sont des signifiants énigmatiques.
Au sujet des « tresses », il y a un rapprochement distrayant à faire avec Freud. Une théorie en ethnologie veut que les femmes aient inventé le textile pour cacher leur sexe. Freud suppose que les femmes ont d’abord tressé leurs poils pubiens, avant de les détacher pour en faire des pagnes (2). De là, par extension, les tresses désignent la castration par extension. L’objet détaché est le résultat de cette opération symbolique. Comme les phallus et les serpents dont la Gorgone ou les sirènes se parent. De fait, Ophélie figure un tel personnage. Elle est celle qui nous met la castration sous le nez ! Continuer la lecture de « Les doigts de l'homme mort, Ophélie se suicide (11) »
"Il n'y a d'acte que d'homme", Lacan 05 février 1964
« La répétition apparaît d’abord sous une forme qui n’est pas claire, qui ne va pas de soi, comme une reproduction ou une présentification, en acte. Voilà pourquoi j’ai mis L’acte avec un grand point d’interrogation dans le bas du tableau, afin d’indiquer que cet acte restera, à notre horizon.
Il est assez curieux que ni Freud, ni aucun de ses épigones, n’ait jamais tenté de se remémorer ce qui est pourtant à la portée de tout le monde concernant l’acte – ajoutons humain, si vous voulez, puisque à notre connaissance, il n’y a d’acte que d’homme. Pourquoi un acte n’est-il pas un comportement ? Fixons les yeux, par exemple, sur cet acte qui est, lui, sans ambiguïté, l’acte de s’ouvrir le ventre que dans certaines conditions – ne dites pas hara-kiri, le nom est seppuku. Pourquoi font-ils ça ? Parce qu’ils croient que ça embête les autres, parce que, dans la structure, c’est un acte qui se fait en l’honneur de quelque chose. Attendons. Ne nous pressons pas avant de savoir, et repérons ceci, qu’un acte, un vrai acte, a toujours une part de structure, de concerner un réel qui n’y est pas pris d’évidence.
Wiederholen. Rien n’a plus fait énigme – spécialement à propos de cette bipartition, si structurante de toute la psychologie freudienne, du principe du plaisir et du principe de réalité – rien n’a plus fait énigme que ce Wiederholen, qui est tout près, aux dires des étymologistes les plus mesurés, du haler – comme on fait sur les chemins de halage – tout près du haler du sujet, lequel tire toujours son truc autour d’un certain chemin d’où il ne peut pas sortir ».
Lacan J., Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, coll. Points essais, 1973, séance du 05 février 1964, p. 60