Douter ou croire ?


The sunset limited est un film réalisé pare Tommy Lee Jones qui reprend la pièce de Cormac Mc Carthy (2006). C’est un dialogue serré entre un ex-taulard croyant et un professeur suicidaire. Le croyant ne parvient pas à convaincre le sceptique de la nécessité de vivre. C’est à peine si le croyant n’en perd pas sa foi.
Le film est visible en cliquant sur ce lien.

Ouvrir la cage et se casser le cou, le suicide d'Ophélie (6)

Revenons au suicide d’Ophélie dans Hamlet, la pièce de Shakespeare. Je continue à suivre le texte de près, ne serait-ce que parce que Lacan l’a fait dans son séminaire Le désir et son interprétation en 1958 (Lacan J., Le séminaire, livre VI, La Martinière, juin 2013), ainsi que dans le séminaire L’angoisse en 1962. Ophélie semblait jouer le rôle d’objet du désir d’Hamlet, aussi bien que celui d’objet d’échange.
La mère d’Hamlet, Gertrude, s’est installée avec le nouveau Roi aussitôt la mort de son mari. Hamlet ne le supporte pas. Pour lui, la reine a commis un acte dégoûtant « qui efface la pudeur, qui falsifie les vœux, les serments », qui enlève « l’âme qui transforme la foi en rhapsodie de mots 1». Elle est celle qui détruit la parole pour la rabaisser au bla-bla. Il lui faudrait revêtir l’habit et la livrée de la vertu faute d’être vertueuse. Hamlet l’abjure de rejeter « la part mauvaise de son cœur, la corruption putride, pour son âme combattante (« fighting soul ) 2». En somme, Hamlet veut la maîtriser et l’éduquer. Il la dénonce, il ne supporte pas sa duplicité, il n’admet pas ses actes. Continuer la lecture de « Ouvrir la cage et se casser le cou, le suicide d'Ophélie (6) »

Vers et asticots, le suicide d'Ophélie (5)

L’Ophélie d’Hamlet s’est suicidée. Puisque la dernière fois nous avions évoqué les asticots qui mangent les cadavres, je vais continuer avec les vers (worms).
La question du cadavre de Polonius est celle de savoir où est-il passé quand Hamlet l’a tué. Elle est posée à plusieurs reprises dans l’acte II de la pièce, au point que l’on finit par se demander si elle ne jouerait pas un rôle particulier. Est-ce seulement un élément de transition théâtral dont la seule fonction serait de passer d’une scène à l’autre ? Il ne semble pas. Et si ce cadavre jouait un rôle majeur ?
Pour Antigone, nous connaissons la question de la sépulture de son frère pour laquelle elle est prête à mourir. Alors pour Ophélie et Polonius, qu’en est-il ?
La mort de Polonius est une méprise. Hamlet croyait tuer le roi Claudius, il ne tue que son conseiller Polonius. Dans le style de la vengeance la plus sauvage, du « œil pour œil, dent pour dent ». Si tu as tué mon père, je te tue. J’en ai eu l’idée, la pièce que tu viens de voir l’a mise en scène, alors je le fais ! Continuer la lecture de « Vers et asticots, le suicide d'Ophélie (5) »

Cadavres, dépouilles et charognes, le suicide d'Ophélie (4)

Ophélie s’est suicidée, celle du Hamlet de Shakespeare. Dans la note précédente, nous avons vu que le texte de Shakespeare comporte toute une série d’expressions autour de l’idée que le père d’Ophélie est un maquereau. Il traite sa fille comme un poisson à vendre au premier séducteur venu.

Mais, la circulation des lettres d’Hamlet adressées à Ophélie, oblige à penser qu’il s’agit d’une bouffonnerie. Hamlet apparaît dans le réel aux yeux d’Ophélie, sorti de l’enfer, la lumière de ses yeux « s’incline 1» sur elle. Et c’est une chose qui paraît bien plus sérieuse que ces histoires de maquereau. Ce faisant, elle lui rend ses lettres. Continuer la lecture de « Cadavres, dépouilles et charognes, le suicide d'Ophélie (4) »

Le suicide n'est pas la seule réponse politique possible !

La tribune de Marcela Iacub est claire et nette ! Il existe d’autres réponses politiques possibles à formuler dans les situations de crise. Il y a d’autres façons de contester.
Mais, privilégier le suicide comme seule et unique réponse possible, relève du symptôme. Cette idée tendancieuse signe la « psychologisation » du rapport de force entre le capital et le travail. Elle revient à effacer et censurer toute idée d’exploitation. Or, il s’agit de ne pas en oublier la réalité.
Il est très utile de lire son article paru dans Libération, le 17 mai 2013 : « Depuis quelques années, les conditions de travail provoqueraient des suicides. Les médias (Libération du 29 avril) ne cessent de souligner ce «phénomène nouveau» comme si les rapports de causalité entre le mal au travail et le suicide étaient évidents. Comme si ce geste ultime était une réaction aussi banale face à l’adversité au travail qu’une crise de nerfs ou une dépression nerveuse. Les travailleurs qui souffrent ont pourtant d’autres issues que de se suicider « . Lire la suite

Les pieuses maquerelles, le suicide d'Ophélie (3)

Dans le Hamlet de Shakespeare, Ophélie est un personnage composite, mi-vierge, mi-sirène. Sa voix blanche séduit Hamlet. Elle représente l’idéal virginal masculin dont l’envers est celui du déchet boueux, comme nous l’avons vu dans le post précédent. Continuons à préciser ce que constitue ce personnage.

Dans cette pièce, certains mots ou certaines significations reviennent plus souvent que d’autres dans la bouche de plusieurs des personnages comme dans toute production écrite ou parlée d’ailleurs. Celles autour du thème de la prostitution sont remarquables. Elles s’appuient sur l’image du maquereau et de son vendeur.

En effet, Hamlet reproche à Polonius, le père d’Ophélie, de se comporter comme un « maquereau », un « fishmonger 1 ». « Monger » : un marchand, un vendeur du poisson que les séducteurs veulent attraper. Il devient maquereau par métonymie. Il serait celui qui lui « vend » Ophélie. Continuer la lecture de « Les pieuses maquerelles, le suicide d'Ophélie (3) »

Une mort fangieuse, le suicide d’Ophélie (2)

Ophélie s’est suicidée, celle du Hamlet de Shakespeare. Lacan a commenté ce geste dans son séminaire Le désir et son interprétation en 1958 (Lacan J., Le séminaire, livre VI, La Martinière, juin 2013), ainsi que dans le séminaire L’angoisse en 1962. Dans le précédent post, nous avons indiqué ce que Ophélie représente. Elle est une sirène blanche chantante et dangereuse.

Nous pouvons maintenant interroger la nature de sa mort. Le suicide d’Ophélie était une « muddy death » : boueuse, fangieuse, vaseuse, trouble, brouillée, obscure, souillée, tachée, sombre, ténébreuse, etc…

Il ne faut pas prendre cette expression sur un plan moral. Une conception certainement répandue en ce qui concerne le suicide qui fait l’objet de bien des condamnations, encore de nos jours. Nombreux sont ceux qui considèrent qu’un suicide dans leur famille est une tache dont il sera difficile de se laver. Continuer la lecture de « Une mort fangieuse, le suicide d’Ophélie (2) »

Une sirène blanche, chantante et dangereuse, le suicide d'Ophélie (1)

Ophélie, celle qui aime Hamlet. Vous connaissez ?

Je crois qu’il vaut la peine de revenir autant de fois que nécessaire sur le suicide d’Ophélie, tel que raconté dans le Hamlet de Shakespeare. D’abord parce que cette pièce est du rang de ces œuvres qui nous en apprennent beaucoup sur nos humbles existences. Mais, aussi parce que Lacan en a fait un long commentaire dans son séminaire Le désir et son interprétation en 1958 1, qui vient de paraître aux éditions de La Martinière 2, ainsi que dans le séminaire L’angoisse en 1962 3. Continuer la lecture de « Une sirène blanche, chantante et dangereuse, le suicide d'Ophélie (1) »

2 h 37

«  2 h 37 » est un film de Murali K. Thalluri, avec Teresa Palmer, Joel Mackenzie et Frank Sweet (Australie), 2006, (sélection officielle au festival de Cannes).
Longtemps, le suspense est maintenu sur l’identité du lycéen qui s’est suicidée dans les toilettes. Le procédé d’écriture de ce film repose sur une sorte d’avant-coup. Les interviews sont-elles nécessairement réalisées avant le suicide qui les suit ? L’incertitude est maintenu jusqu’à la fin. Continuer la lecture de « 2 h 37 »

Clinique du suicide

Préface de Darian Leader, psychanalyste à Londres

« Pourquoi un être humain se donne-t-il la mort ? Dés sa parution, Clinique du suicide s’est imposé comme une contribution essentielle à l’étude de cette question énigmatique qui convoque ici psychanalystes, philosophes, critiques littéraires et anthropologues.
Si le cadre de ces essais est psychanalytique, leur portée est incontestablement plus large. Les  »épidémies » de suicide qui ont attiré l’attention du public ces dernières années – chez France Télécom en Europe, chez Toyota et d’autres entreprises en Asie – témoignent de ce changement radical de la vie moderne. Continuer la lecture de « Clinique du suicide »