L'amour est une forme de suicide

Je viens de relire un petit passage du séminaire I de Jacques Lacan. Concis et instructif. Il s’agit d’une discussion entre Lacan et Hyppolite.
En résumé, la dialectique spéculaire (la relation à l’autre), introduit deux choses et d’un même coup :

1 – la mort du sujet du fait que la relation à l’autre soumet ce sujet au x de la vie éternelle

2 – une relation à l’autre mortelle. L’autre rassemble l’image du maître avec celle de la mort, pour autant que le sujet y est soumis

Conclusion logique : quand l’homme fait l’amour, il veut par l’autre sa propre mort. Le sujet se donne la mort et il le sait.
Donc, l’amour est une forme de suicide.
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Ecrits techniques

Lacan J., Séminaire 1953-1954, leçon XIII du 7 avril 1954, version AFI, extrait :
« LACAN – Enfin le réel, comme de bien entendu, malgré qu’il soit là, en deçà du miroir, qu’y a-t-il au-delà? Nous avons déjà vu qu’il y a cet imaginaire primitif de la dialectique spéculaire avec l’autre, qui est absolument fondamental. Alors, sou­lignons au passage que nous pouvons dire, en deux sens, qu’elle introduit déjà la dimension mortelle de l’instinct de mort, dimension de la destrudo en tant qu’elle participe de ce qu’a d’irrémédiablement mortel pour l’individu tout ce qui est de l’ordre de la captation libidinale, pour autant qu’elle est en fin de compte soumise à cet x de la vie éternelle; c’est ce que je crois qui est le point important mis en relief par la pensée de Freud, c’est là aussi ce qui n’est pas complètement distingué dans ce qu’il nous apportait dans Au-delà du principe du plaisir, c’est que l’instinct de mort prend chez l’homme une autre signification précisément en ceci que sa libido est originellement en quelque sorte contrainte de passer par une étape imaginaire. De plus, cette image d’image, si vous voulez, s’explique justement, c’est tout le guidage pour lui de l’atteinte à la maturité de la libido à cette adéquation de la réalité de l’imaginaire qu’il y aurait en prin­cipe par hypothèse, après tout, qu’en savons-nous ?
Chez l’animal, dont il semble, et de toujours, qu’elle est tellement plus évidente que c’est de là même qu’est sorti le grand fantasme de la natura mater, de l’idée même de la nature, que l’homme par rapport à cela se représente son inadéquation originelle par quelque chose qui s’exprime de mille façons, même tout à fait objectivable dans son être, toute spéciale impuissance dès l’origine de sa vie. Cette prématuration de la naissance, ce n’est pas les psychanalystes qui l’ont inventée. Il est évident histologiquement qu’au moins cet appa­reil nerveux qui joue dans l’organisme ce rôle, encore sujet à discussion, est inachevé à sa naissance. C’est pour autant qu’il a à rejoindre l’achève­ment de sa libido avant d’en rejoindre l’objet que s’introduit cette faille spéciale qui se perpétue chez lui dans cette relation alors à un autre, infi­niment plus mortelle pour lui que pour tout autre animal, et qui confond cette « image du maître », qui est, en somme, ce qu’il voit sous la forme de l’image spéculaire, alors, qu’il confond d’une façon tout à fait authentique, qu’il peut nommer, avec l’image de la mort. Il peut être en présence du maître absolu, il y est originellement, qu’on le lui ait enseigné ou pas, pour autant qu’il est déjà soumis à cette image.
HYPPOLITE – L’animal est soumis à la mort quand il fait l’amour, mais il n’en sait rien.
LACAN – Tandis que l’homme, lui, le sait; il le sait, et il l’éprouve.
HYPPOLITE – Cela va jusqu’à dire que c’est lui qui se donne la mort; il veut par l’autre sa propre mort.
LACAN – Nous sommes bien tous d’accord que l’amour est une forme de suicide ».

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