La mort n’existe pas, K. Abraham

Un peu d’humour pour se détendre, version Abraham.
La question de la mort est assez inepte pour le suicide. L’argument classique: personne ne sait ce qu’elle est. Pour preuve, le récit de Karl Abraham sur le lapsus d’un octogénaire.
Je ne résiste pas au plaisir de citer ce petit récit en entier.
« Dans un article de journal (Berliner Tageblatt) l’acteur Ludwig Barnay, âgé depuis peu de quatre-vingts ans, commente avec esprit les hommes qu’il a reçus dans le passé et récemment. Il constate avec humour qu’aux morts. Dans une ville, on lui a érigé une statue, dans une autre sa maison est ornée d’une plaque commémorative, enfin, la rue d’une troisième porte son nom. Il se demande alors quels honneurs pourraient bien lui échoir après sa mort et répond ainsi :  » En tout cas, les funérailles, la festivité mortuaire habituelle et un article nécrologique dans les quotidiens ; mais il faudra renoncer à ce triple attelage pour mon cercueil car j’ai ordonné par testament que mon décès ne se produira pas avant que la crémation n’ait eu lieu.  »
L’erreur contenue dans cette phrase montre clairement le désir de l’auteur de ne pas mourir du tout, et nous permet d’entrevoir la conviction inconsciente profonde propre à tout un chacun d’être immortel.
Le mot erfolgen (ne se produise, n’ait eu lieu), n’a aucune consonance proche de celui qu’il remplace, en réalité, ce devait être bekanntgegeben werden möge (soit rendu public). Ce lapsus a été favorisé par le mot erfolgter dans la même ligne.
Du point de vue psychanalytique, il est à remarquer que ni le rédacteur, ni le correcteur n’ont relevé l’erreur.
J’ajoute que les lecteurs du journal ont parcouru ce passage sans être arrêtés, ce qui signe leur sympathie pour la conception de l’auteur » (Karl Abraham).
Où l’on voit que Barnay ne croit tellement pas à sa propre mort que cette conviction emporte aussi celle du correcteur !
Un petit jeu: dans les écrits d’Abraham, où ce texte figure-t-il ?

Le suicide inconscient, S. Freud

Dans son chapitre 8 de la Psychopathologie de la vie quotidienne 1, Freud étudie la possibilité d’une erreur dans les actes après avoir examiné les erreurs dans l’emploi du langage. Il distingue les actions symptomatiques et les méprises, selon que l’effet de l’acte parait absurde ou manqué. Après l’examen d’une série de cas, Freud montre finalement que peu importe l’effet de l’acte. Sa compréhension ne dépend pas de sa fonction, ni de sa signification quand au but. Le but n’est pas le référent qui permette d’en préciser la causalité. Il est nécessaire de prendre en compte les motifs inconscients de l’acte qui paraissent multiples.

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Segantini (3) : un suicide en double

J’ai évoqué le suicide inconscient du peintre Giovanni Segantini à deux reprises. Selon sa face inconsciente et  pulsionnelle. Sa vie était marquée par la mort. Sa tentative de la sublimer par la peinture a été un échec. Segantini n’a pas su faire autrement que de se suicider.
Je pense qu’il y a encore beaucoup de choses à dire sur Segantini. En effet, pourquoi son « aspiration à la mort » n’est-elle d’abord qu’une fascination pour le cadavre avant, bien plus tard, de devenir une conduite vers la mort ? Continuer la lecture de « Segantini (3) : un suicide en double »

Segantini (2) : l'aspiration à la mort

La mort du peintre Giovanni Segantini était un suicide inconscient. Comme je l’ai souligné dans le billet précédent, à la suite d’Abraham. Un montagnard expérimenté comme Segantini, ne pouvait méconnaitre les dangers du froid. Son imprudence fût surprenante.
Abraham donne plusieurs exemples de « suicide inconscient ». Il indique que ces cas sont « non exceptionnels 1». C’est par exemple le cas de ceux qui négligent de prendre des mesures de sécurité élémentaires, qui se précipitent au-devant d’une voiture « par mégarde », avalent un produit toxique « par erreur », se blessent « par maladresse ». Abraham range aussi les accidents de montagne dans ces suicides inconscients. Continuer la lecture de « Segantini (2) : l'aspiration à la mort »

Giovanni Segantini: un suicide inconscient ?

La mort du peintre Giovanni Segantini est assez étrange. Pour Abraham, cela ne fait aucun doute : il s’agit d’un suicide pour des motifs inconscients.
Un suicide inconscient ? Passer à l’acte sans motif apparent ?
Ne serait-ce pas pour cela que nombre de ceux qui sont passé à l’acte ont beaucoup de mal à reconnaître qu’ils avaient le désir de mourir ? Même longtemps après-coup ?
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Avant leur suicide, beaucoup se sont déjà présenté aux urgences

La majorité des personnes décédées de suicide (dans cette étude), s'étaient présenté aux urgences de l'hôpital dans l'année précédente. 
Au moins une fois, parfois plusieurs fois..... Ci-dessous, l'abstract de l'étude en question 
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Emergency department contact prior to suicide in mental health patients

D Da CruzA PearsonP SainiC MilesD WhileN SwinsonA WilliamsJ ShawL ApplebyN Kapur

The Centre for Suicide Prevention, Psychiatry, University of Manchester, Manchester, England
Emerg Med J doi:10.1136/emj.2009.081869

  1. Correspondence to Mr Damian Da Cruz, The National Confidential Inquiry, University of Manchester, Community Based Medicine, Floor 2, Jean McFarlane Building, Oxford Road, Manchester, M13 9PL, UK; damian.dacruz@manchester.ac.uk

Objectives To describe attendance at emergency departments (EDs) in the year prior to suicide for a sample of mental health patients. To examine the characteristics of those who attended (particularly those who attended frequently) prior to suicide.

Design Case review of ED records for 286 individuals who died within 12 months of mental health contact in North West England (2003–2005).

Method Cases identified through the National Confidential Inquiry into Suicide were checked against regional EDs to establish attendance in the year prior to death. Records were examined to establish the number of attendances, reason for the final, non-fatal attendance, treatment offered and outcome.
Results One hundred and twenty-four (43%) individuals had attended the ED at least once in the year prior to their death, and of these, 35 (28%) had attended the ED on more than three occasions. These frequent attenders died by suicide significantly sooner after their final, non-fatal attendance than other attenders. A clinical history of alcohol misuse was also associated with early death following ED attendance.
Conclusions Over 40% of our clinical sample attended an ED in the year prior to death, and some individuals attended particularly frequently. EDs may therefore represent an important additional setting for suicide prevention in mental health patients. The majority of attendances prior to suicide were for self-harm or to request psychiatric help. Clinicians should be alert to the risk associated with such presentations and to the possible association between frequent attendance and suicide.

Mélanie Klein et la "cible" du suicide

Mélanie Klein n’a pas beaucoup parlé du suicide. Il faut chercher pour trouver des références dans sa production. Mais, il y a quand même quelques références. Cette absence de commentaire est surprenante. Son frère était pourtant mort jeune. Et, sa mort ressemblait assez fortement à un suicide…
Dans Essai de psychanalyse, en 1940, p. 367, Mélanie Klein évoque le cas de D. Sa mère va décèder au cours de son analyse. D. a jeté sa voiture contre un poteau. c’était une « tentative inconsciente de suicide, dont le but était de détruire » les mauvaises représentations de ses parents. Son suicide était donc « une représentation en même temps qu’une extériorisation d’un désastre intérieur ». De quel « désastre » ? D. n’avait pas conscience de sa haine. Identifié à sa mère, il s’en prennait à elle.

En 1934, Mélanie Klein avait déjà évoqué le cas de D. Son interprétation est classique et freudienne: « le suicide est dirigé contre l’objet introjecté » p. 326 et 327. C’est un acte lancé comme une flèche par un arc dont la cible est une représentation. Mais, elle s’intéresse aussi aux bénéfices escomptés du passage à l’acte. Car, le suicide « vise tout aussi bien à sauver » les « objets d’amour ».
Le sujet souhaite se « débarasser » de « quelque objet réel » : la partie du moi identifiée à l’objet de sa haine. Une haine « dangereuse, incontrôlable et sans cesse jaillissante » qui constitue une menace. Si je supprime ma haine en me détruisant, alors, celui ou celle que j’aime survivra. Klein pense qu’en faire prendre conscience au sujet lui permettra de dépasser le désastre.

Corbu et les corbeaux, Frédéric Rébéna

Frédéric Rébéna illustre deux pages sur la vie de l’architecte Le Corbusier. Ces pages font écho à la sortie aux éditions Dupuis de l’album de bande dessinée “Le Corbusier, un architecte parmi les hommes” scénarisé par Jean-Marc Thévenet (lui-même commissaire de l’exposition « Architecture et Bande dessinée » programmée à la Cité de l’Architecture de juin à octobre 2010).? Libération, 03 07 2010, voir la Présentation de “Architecte parmi les hommes”, Dupuis, 2010
boum

Karachi, suicide au travail au Japon, une interview par Alain Mermet

Alain Mermet, le réalisateur de l’émission de radio « Là-bas si j’y suis », vient de réaliser l’interview de l’entourage d’une personne décédée par Karachi, un suicide au Japon par excès de travail. Cet homme travaillait pour un sous-traitant de Toyota.
Vous pouvez écouter l’émission en cliquant sur ce lien